Saepinum

Archéologie des huiles parfumées et médicinales en Méditerranée nord-occidentale préromaine (VIIIe-VIe s. av. J.-C.). Problématiques, état de la question et nouvelles données

Dominique Frère, Nicolas Garnier, Elisabeth Dodinet

Le rapport au corps en Eurasie (de l'Asie du Sud-Est insulaire à la Laponie en passant par la Chine, l'Inde et le Proche-Orient) est envisagé à travers une série d'études : rites funéraires, pieds bandés des fillettes chinoises, tatouages, usages des onguents, histoire du peigne à travers les âges, etc.

Pour la connaissance du parfum dans ses dimensions socio-culturelles, sacrées et techniques en Méditerranée occidentale, nous disposons des sources littéraires grecques et romaines . Le statut du parfum, les modes d’utilisation, les méthodes de fabrication nous sont connus grâce à un très grand nombre de textes qui s’étendent du VIIIe siècle avant J.-C. avec Homère, jusqu’au VIe s. après Jésus-Christ avec Aristénète. C’est donc sur une vaste période de 1500 ans que nous pouvons croiser les textes avec les autres sources épigraphiques, iconographiques et archéologiques (étude des vases à parfum, fouilles d’ateliers) pour écrire une histoire du parfum dans l’antiquité grecque et romaine. Mais avant la conquête romaine et hors du monde grec, différentes cultures de la Méditerranée occidentale ont utilisé des huiles parfumées et médicinales, ont construit des pratiques sociales et rituelles autour du parfum et des soins corporels. En l’absence de corpus textuels, il est difficile d’approcher la réalité et le sens de ces pratiques qui ne nous sont accessibles que par des données souvent disparates et d’interprétation difficile. Les mondes étrusque et phénico-punique (qu’on qualifiait autrefois de « cultures périphériques ») fournissent en abondance, en particulier dans les nécropoles, des petits conteneurs en céramique, en verre et en faïence considérés comme des vases à parfum. Beaucoup de ces flacons sont importées de Méditerranée orientale (Chypre et Rhodes), d’Egypte et de Grèce continentale (Corinthe et Laconie) tandis que d’autres, les plus nombreux, sont fabriqués régionalement. Le très grand nombre de ces petits vases et le caractère quasi-systématique de leur présence dans les tombes entraîne de nombreuses questions d’ordre technique, culturel, mais aussi économique. Il ne peut être question ici de détailler ces problématiques, notre propos étant d’apporter de nouveaux éléments de connaissance qui permettent de nourrir la réflexion sur les huiles parfumées en Méditerranée occidentale. L’étude typologique des vases à parfum, celle des inscriptions qu’ils peuvent porter, l’enquête sur leurs contextes de découverte, l’analyse des images qui les représentent sur les urnes, sarcophages, céramiques, autels et sur les parois des tombes représentent les sources archéologiques questionnées depuis le XIXe s. Cependant, manquent à nos connaissances les contenus des vases, à savoir le parfum lui-même. Alors que l’imagerie ne peut le suggérer que par la représentation de son conteneur, les inscriptions mentionnant le parfum sont éminemment rares ; par ailleurs, les vases eux-mêmes sont découverts vides puisque les huiles parfumées qu’ils contenaient se sont évaporées ou se sont dégradées pour ne plus rien laisser de leurs fragrances ni de leurs consistances matérielles. Mais s’il est exact que les huiles parfumées ont subi un lent processus de transformation chimique, il serait toutefois faux d’affirmer que cette dégradation a entraîné leur disparition complète. Même s’il ne subsiste plus rien de visible à l’œil nu, les marqueurs chimiques de certains composants du parfum se sont conservés, absorbés par la céramique poreuse ou incrustés, piégés dans les minuscules anfractuosités de l’intérieur de la paroi des verres et faïences. Le recours aux analyses biochimiques permet d’isoler et identifier certains de ces marqueurs et donc de retrouver une partie des constituants de l’huile parfumée contenue dans les vases . Cette approche apporte des données totalement inédites qui permettent de renouveler nos connaissances sur les huiles parfumées dans leurs dimensions techniques, économiques et symboliques. Deux programmes de l’Agence Nationale de la Recherche ont permis de recueillir plusieurs centaines de résultats à partir de vases d’Italie (mondes grec, italique, étrusque et celtique) et de Sardaigne (mondes nuragique, phénicien et punique). Pour mettre en évidence la naissance d’une culture des huiles parfumées et médicinales en Méditerranée nord-occidentale entre le VIIIe et le VIe s. av. J.-C., nous avons fait le choix de nous intéresser à deux mondes proches politiquement et géographiquement, celui de l’Italie étrusque et celui de la Sardaigne phénicienne.

Balsamaire en verre

À la recherche du contenu des objets archéologiques en verre par les analyses chimiques

Nicolas Garnier

Les fouilles archéologiques mettent au jour, outre des objets en céramique, en pierre ou en métal, toute une gamme de flacons, vaisselles, urnes en verre moulé ou soufflé. Si longtemps l’on s’est intéressé uniquement à l’esthétique et à la technicité des objets, des recherches portant sur leur utilisation et leur fonction ont ouvert de nouvelles voies d’étude qui permettent de documenter et comprendre l’objet dans son contexte : pourquoi a-t-il été créé ? Comment a-t-il été utilisé, une seule ou plusieurs fois ? At- il été déposé vide dans la tombe ? Qu’a-t-il contenu et quelle est la valeur symbolique ou non de son contenu ? Autant de questions occultées jusqu’alors que les nouvelles techniques d’analyse chimique permettent aujourd’hui d’aborder.

Balsamaire

Les balsamaires du site de Solférino : un ensemble vers le milieu du Ier siècle, à Narbonne (Aude)

 

L. Pédoussaut, J. Vial, N. Garnier

Introduction. La fouille réalisée en 2012, au lieu-dit Solferino à Narbonne (Aude) a été motivée par l’aménagement d’une rocade. De nombreux vestiges du premier Âge du Fer et d’époque antique ont été découverts. Sous l’Empire, ce site périurbain était situé à environ deux kilomètres à vol d’oiseau du centre de Narbonne et de son forum (fig. 1). Une voie orientée nord-est / sud-ouest traversait le terrain et était bordée de plusieurs sépultures. À l’est de l’emprise, se trouvait un grand édifice qui pourrait correspondre à un chais viticole, abritant une série de dolia enterrés et présentant plusieurs phases d’occupation entre le Ier et le IVe siècle ap. J.-C. Des fosses d’implantation de vignes ont été repérées de part et d’autre de la voie et pourraient être contemporaines du chais. Les structures funéraires antiques correspondent à trois sépultures à crémation et cinq inhumations. Seules les premières ont livré du mobilier permettant de les dater. Deux de ces crémations ont livré les balsamaires qui sont présentés ici.

Cistus ladanifer

Une offrande de ciste dans une tombe carthaginoise (VIe-Ve s. av. J.-C.). Une approche interdisciplinaire alliant archéo-ethnobotanique et chimie organique analytique

 

N. Garnier, E. Dodinet

Abstract : In the collections of the Fragonard Museum (Grasse, France), an odorous fragment of resin issued from a tomb in Carthago (6th-5th c. BC) was labelled labdanum (resin of Cistus), but without any documentation that sustained the identification. Because of the absence of plant macrorests, only the chemical research of molecular markers could yield new information. The lack of exhaustive and accurate data on the chemistry of the genus, the available information being based on perfumery and pharmacognosy research, led us to conduct new chemical studies on contemporary specimens. The high presumption based on ancient literature of the use of several species in the Mediterranean area for the period, as much as the localisation of the find, guided the selection of the Cistus spp. sampled among the candidates; all the botanical material was properly identified by local experts. More than 300 chemical constituents, purified according to their polarity and analysed by gas chromatography-mass spectrometry, were identified in the archaeological resin, mainly within sesqui- and diterpenoids, and vegetal waxes. The chemical comparison of seven resins within from different species allowed to define chemotaxonomical markers specific to the Cistus genus. The confrontation with the data obtained from the archaeological fragment confirmed it to be from Cistus ladanifer. The close collaboration between (ethno)botanists and chemists has led to confirm the use of Cistus resin in Mediterranean area, for the first time.

Article

Vases à parfum de la fin de l’époque classique mis au jour à Apollonia de Cyrénaïque : les analyses de contenus

Jean-Jacques Maffre, Dominique Frère, Nicolas Garnier, Elisabeth Dodinet

Abstract : Analyses of organic contents are not yet systematic but are increasingly used in order to document the production, transformation, transportation, conservation and consumption, especially funerary offerings and rituals, practices of antique organic materials. A sampling campaign took place at Apollonia in Cyrenaica in 2008 as part of the French archaeological mission in Libya, at that time led by A. Laronde. A little over a dozen perfume vases dating of the end of the Classical era and the beginning of the Hellenistic period were selected to make a chemical analysis of their organic content. This article presents the results of these analyses and their botanical and archaeological interpretations. It appears that the contents of ceramic vessels differ from those of alabaster. They are composed of fatty aromatic substances of cosmetic and medicinal dimension with plant but also animal materials.

Thania Plecunia, Chiusi

A multianalytical approach in the chemical characterisation of the etruscan ointment of Thana Plecunia (Chiusi, Italy)

G. Giachi, E. Ribechini, M. P. Colombini, N. Garnier

Abstract : Analyses of organic contents are not yet systematic but are increasingly used in order to document the production, transformation, transportation, conservation and consumption, especially funerary offerings and rituals, practices of antique organic materials. A sampling campaign took place at Apollonia in Cyrenaica in 2008 as part of the French archaeological mission in Libya, at that time led by A. Laronde. A little over a dozen perfume vases dating of the end of the Classical era and the beginning of the Hellenistic period were selected to make a chemical analysis of their organic content. This article presents the results of these analyses and their botanical and archaeological interpretations. It appears that the contents of ceramic vessels differ from those of alabaster. They are composed of fatty aromatic substances of cosmetic and medicinal dimension with plant but also animal materials.

Cagliari

L’étude interdisciplinaire des parfums anciens au prisme de l’archéologie, la chimie et la botanique : l’exemple de contenus de vases en verre sur noyau d’argile (Sardaigne, VIe-IVe s. av. J.-C.)s

D. Frère, E. Dodinet, N. Garnier

Abstract : The analyses of organic contents are not yet systematic but are increasingly used in order to document the production, transformation, transportation, conservation and consumption, especially funerary offerings and rituals, practices of antique organic materials. However, the relevance and accuracy of the data obtained depends upon the choices and the representativeness of the materials samples, as much as upon the conservation conditions of the vessels and the methodologies selected, which need to be designed according to the set of questions formulated by archaeologists. The results obtained are degraded chemical markers allowing more or less trustworthy interpretations of the vegetal and/or animal organic components. The steps involved and the issues raised will be analysed through two examples taken form the Perhamo (Products and Oily Residues of the Western Mediterranean) program. This research program has allowed for the analysis of more than 200 samples of organic contents of vases and structures, considered linked to the production, stocking and utilisation of oil and perfume in the Mediterranean. The contents of seven glass vases were the object of chemical analyses and botanical interpretations.